Depuis plus d’un an, le monde vitivinicole se confronte à toutes sortes de problématiques, tout d’abord avec le Brexit, puis avec les taxes Trump de 25% sur les vins français, et depuis peu, la crise sanitaire internationale de la COVID-19. Un déferlement d’externalités négatives qui inquiètent et pèsent sur l’avenir de ce marché, le rendant incertain.
Dans ce brouillard épais, il est important de trouver les lueurs d’espoir qui nous aideront à surmonter ces épreuves : l’une d’elles pourrait être d’essayer de vendre davantage sur le territoire national, régional et/ou local.
Pourtant, nous ne pouvons qu’observer une baisse des achats de vin en France, année après année. Il est opportun de se demander alors ce qui entraîne cette chute progressive : de nouvelles consommations ? De nouvelles générations ? Des attentes non satisfaites ? Le vin, fait-il encore rêver les Français en 2020 ? Et si non, comment lui redonner la valeur qu’il mérite sur le marché ?
Quel est le constat ?
Tout d’abord, prenons en compte l’évolution du secteur des alcools : il est facile d’observer que les consommateurs, notamment les 18-35 ans, sont attirés par des alcools plus sucrés, plus « sexy », mais aussi plus tendances. En effet, la bière, les spiritueux, les cocktails sont autant de substituts au vin (même s’ils sont consommés différemment) qui sont davantage recherchés dans le cadre de festivités avec des proches. Ce phénomène est accentué par le fait que le vin reste une boisson trop sérieuse pour cette génération, d’autant plus qu’il est souvent difficile de le choisir pour des néophytes, et qu’il risque, en plus, de ne pas plaire à tous !
Si l’on étudie le contexte de la consommation, par ailleurs, on s’aperçoit que les vins (hors vins effervescents) sont davantage consommés au cours des repas, et dans ce cas, ce ne sont pas les alcools substituts qui leur font de l’ombre :
« Lorsqu’ils ne choisissent plus le rosé, neuf fois sur dix, les consommateurs se dirigent vers des boissons non alcoolisées, avec l’eau comme premier choix. Cette proportion est identique pour les vins rouges, dont les reports de consommation se font vers l’eau, les jus et les bières sans alcools. »
CNIV (Comité National des Interprofessions des Vins d’indication géographique) – Juillet 2020
Cette dernière information donne toute sa place à cette nouvelle tendance de consommation grandissante chez les Français : moins, mais mieux. Boire moins d’alcool, mais mieux choisir lorsqu’on en boit, manger moins de viande, mais de meilleure qualité… Cette nouvelle orientation pourrait également expliquer cette chute, qui rend la consommation plus ponctuelle et ainsi, plus disparate sur l’année. Il serait d’ailleurs intéressant de comparer cela au marché de la viande animale, afin d’observer la courbe d’évolution de cette consommation sur la dernière année, pendant laquelle le mouvement flexitarien (manger moins de viande, plus de légumes, choisir des produits plus qualitatifs, de saison… #mangerresponsable) s’est accentué.
« Des achats moins fréquents et surtout, en moindre quantité : tel est le visage de la consommation de vin en France que donnent les panels »
CNIV (Comité National des Interprofessions des Vins d’indication géographique) – Juillet 2020
En définitive, ce qui pourrait rebuter la consommation de vin, par génération :
- Jusqu’à 40 ans, les Français ont encore une image élitiste et ennuyante, voire intimidante du vin, qui est encore souvent perçu ET présenté comme un produit de luxe et de connaisseur. On observe cependant que cette image s’estompe, mais très lentement et difficilement.
- Au-delà de cette tranche d’âge, la consommation n’est pas nécessairement régulière ni appuyée : l’image du repas de famille au cours duquel les odeurs de vin fusent, et les verres s’emplissent au fil des heures, laisse place à l’image d’une consommation bien plus raisonnable, entrecoupée de verres d’eau plate et pétillante…
Comment reconquérir le palais des Français ?
Tout d’abord, si nous commençions par écouter le consommateur ? Les actes de consommation ont longtemps été dirigés par les offreurs, et ce, dans tous les domaines, mais faisons confiance à nos acheteurs qui savent de plus en plus ce dont ils ont besoin et ce dont ils ont envie. Lorsque nous les écoutons, nous nous apercevons que leurs attentes sont claires :
• Faire des achats qui ont du sens :
Communiquer de manière claire et en toute transparence sur les valeurs des producteurs, sur la qualité du contenu, le respect de l’environnement et du consommateur, et sur les labels et autres marques de sérieux qui ont encore beaucoup de poids dans la décision d’achat (pour plus de détails et de clarté, nous y avions dédié un article en fin d’année dernière : Les 5 tendances du comportement de l’acheteur de vin en 2020)
• Pouvoir acheter quand et où ils veulent :
Et cela signifie, entre autres, rendre ses produits disponibles sur internet ! Même si la consommation en ligne est encore timide pour le vin, la récente période de confinement a montré que les Français étaient disposés à commander en ligne, ce qui a grandement aidé bon nombre de vignerons ! Pour cela, il est possible d’avoir un site e-commerce, mais aussi tout simplement de se rapprocher des boutiques de vins en ligne, qui peuvent prendre cela en charge !
• Mais aussi, pouvoir se renseigner quand et où ils veulent :
Ce que l’on oublie souvent sur le vin, c’est que ceux qui ne s’y connaissent pas se renseignent ! Et en 2019, cela passait principalement par l’entourage (53%), les professionnels (42%) et les sites internet/guides spécialisés (20%) (Sowine – 2019). Aujourd’hui, la plupart de ces sources sont digitales (pages spécialisées, applications mobiles, magasines en ligne, réseaux sociaux…), alors pensons e-réputation, e-disponibilité et information libre d’accès partout !
• Être différent et sortir du lot :
Il ne faut jamais oublier que consommer du vin n’est pas un besoin vital, au même titre de boire de l’eau ou manger. C’est un besoin social, de partage, de découverte et d’expérience. Ainsi, le produit consommé le sera parce qu’il permet à ce besoin social de s’exprimer : la forme de la bouteille a un design très esthétique – elle sera « instagrammable », les étiquettes sont originales et compréhensibles – on en parlera autour de la table, les tonalités du vin sont adaptées à l’instant de consommation correspondant – il sera recommandé et sûrement re-commandé !
Bien entendu, gardons les proportions de ces propos, il n’y a pas de solution miracle qui fonctionne pour tous : reconquérir sa cible lorsqu’elle semble se lasser n’est pas l’affaire que d’une forme de bouteille ou d’une publication sur les réseaux sociaux, mais bien d’un processus de reconnaissance du problème, une gymnastique indispensable lorsque l’on souhaite fidéliser sa clientèle !
Identifier le problème → Ecouter la cible → Comprendre les attentes → Réagir au problème → Vérifier auprès de la cible → Rester à l’écoute
Pistes de réflexion