Les ayatollah du bon et du bio en France

Recueil de quelques propos d’un ayatollah du bio et du bon mais pas que…

Notre volonté est de faire partager à toutes et tous, les engagements de personnalités du monde du vin et de la gastronomie, qui travaillent et aspirent chaque jour à cultiver un jardin d’idées et de produits respectueux de la nature, du vivant et des Hommes en 2019.

Luc Dubanchet a donc accepté de nous prêter ses mots afin de vous laisser découvrir qui il est, ce qu’il représente, et quelles sont les motivations et l’impulsion qu’il donne à son métier au quotidien.

Qui es-tu ? Que fais-tu ? Qu’est-ce qu’Omnivore ?


 » Je suis Luc Dubanchet et je suis le fondateur d’Omnivore. Depuis 15 ans j’assure au quotidien Omnivore mais pas que, je suis également le directeur des contenus de la société GL Events, grand groupe d’événementiel français et international pour lequel je viens nourrir les contenus de tout un tas de festivals et de salons qui ont lieu en France et à l’étranger dans l’année, qui concernent la restauration.

Par ailleurs, Omnivore, c’est depuis toujours, un média qui s’intéresse à tout ce qui touche de près ou de loin la restauration, la gastronomie, le vin et tous les nouveaux courants de tendance qui concerne ces milieux là, étudiés sous un angle de rupture. Qu’est-ce qui fait que la société change, évolue avec l’âge des consommateurs, ce qui fait les chefs, ceux qui font le vin. Il s’agit d’un grand point d’interrogation d’Omnivore. Nous manifestons nos intérêts sous forme de journal, print, que nous éditons plusieurs fois par an et sous forme d’événementiel. En effet, une fois par an, nous réunissons au cours d’un festival, à la Maison de la Mutualité, 11K personnes, qui sont entre autre des professionnels de la restauration. Notre public vient chercher sur cinq ou six scènes différentes, la crème de la crème de la restauration. »

Omnivore, c’est aussi le monde du vin. Nous connaissons le goût d’Omnivore pour le vin naturel, bio, biodynamique et éthique depuis sa création.

Quelles ont été tes motivations et pourquoi ont-elles permis la naissance d’Omnivore ?


« Il y a 20 ans je buvais du Bordeaux à Paris dans des caves, déjà précurseurs, qui étaient plutôt tournées vers le BIO et la biodynamie. Bien qu’à cette époque, nous n’en parlions pas comme ça. Ces vins là étaient déjà différents.

Puis, Omnivore a été le marqueur de ce que nous appelons les vins natures au début des années 2000. Nous avons été la base éditoriale de ces vins là. C’était la première fois que nous accueillions des pages sur les vins natures et notre festival a été aussi la première rencontre entre des vignerons ‘natures’ comme Marcel Lapierre ou Richaux, avec les chefs de la nouvelle génération.

Ces chefs là n’avaient plus envie de boire, je ne sais pour quelle raison,  les mêmes vins que leur prédécesseurs. Ils se sont donc dirigés assez naturellement, de façon consciente vers des vins respectueux de la nature, digeste, avec moins de chimie. Ces vins là ont en 10 ans totalement explosés dans le monde de la restauration.

Nous avons accompagné cette mouvance dans des écrits, en éditant des guides sur les vins natures mais aussi lors de notre festival chaque année. C’est une époque assez fondamentale où sont apparus de nouveaux types de restauration. Cette période a été la quête de cuisines beaucoup plus cool, tournées vers la recherche de produits originaux dans le sens où ces produits ont une signature, un territoire, une appartenance. Ces chefs se sont également défiés de toute la partie cosmétique de la cuisine. C’est à dire qu’ils se sont déliés des dogmes de la gastronomie en s’affranchissant des étoiles, des guide. Ils ne souhaitaient plus être répertoriés. Le vin, là dedans, a totalement été impliqué.

Le vin nature a d’abord touché des régions qui ne sont pas Bordeaux. Au début, c’était un peu le Beaujolais, parfois le Languedoc, un peu l’Alsace et beaucoup la Loire, mais jamais de Bordeaux en 10 ans. Je suis persuadé que cela est du à l’effet très néfaste de la parkérisation qui concentrait des typologies de vin très structurés, très tournés vers le marché, bien qu’il s’agissait d’un marché assez artificiel et volatile. Le Bordeaux n’a malheureusement pas été impliqué dans cette révolution dans les années 2000, jusqu’à maintenant, où seulement la révolution des chefs et du reste de la France, a forcé le pas au marché et aux vignerons. »

Le vin nature est-il selon toi le pas à suivre pour tout le monde ?


« Non, je ne pense pas. Le vin nature n’est pas une fin en soi. Je pense qu’il y a de bons vins et de mauvais vins.

Selon moi le bon vin, raconte son territoire, son appartenance, son cépage et respecte tout un tas de faisceaux et réseaux d’histoires, souvent orales, qui ont emmenés les vignerons, pendant parfois plus de 100 ans à se transmettre un véritable héritage. Le vin aujourd’hui doit être nature par essence et doit respecter sa terre. C’est à dire qu’il n’embarque pas avec lui d’intrants, de chimie. Je crois qu’aujourd’hui, il est impossible d’envisager l’agriculture en général comme un support de la chimie et de l’industrialisation.

Pourtant le vin peut s’affranchir de cette étiquette, nature, qui par principe, est un non-interventionnisme total en cave. Ces vins expriment l’absence de souffre, qui peut parfois apporter des vins très instables. Cependant, ces techniques ont aussi beaucoup évolué ces dernières années. Aujourd’hui, un vin moderne est un vin qui respecte l’endroit duquel il vient, sa terre en soit, mais qui respecte aussi le palais de celui qui le goûte. Il doit transmettre l’expression d’un plaisir et non pas laisser un palais réfléchir pendant 24 heures sur ce que le vin a pu vouloir dire.

Le vin nature exprime donc une intervention du vigneron avant tout. Les vins doivent être expressifs, fidèles à une terre mais racontent également quelque chose. Le vin nature, parfois, avec sa déviance, et ses goûts de poney ou d’étable, ne mène pas à grand chose. J’aime les vins qui sont organoleptiquement faits de courbes sensorielles, d’aromatismes qui sont expressifs, encore une fois.

Ils doivent raconter la grappe, le raisin, la façon dont il a été cueilli, et s’ils expriment le bois, ils doivent exprimer la manière dont le bois s’est effacé pour exprimer le jus. S’ils sont soufrés, nous devons le sentir de telle manière qu’ils ne doivent pas tuer l’expression aromatique du vin. Tout cela explique, l’ouverture d’une nouvelle voie que le vin nature a défendu, et à juste titre pendant une dizaine d’années, que le vin conventionnel ne défend absolument pas depuis au moins 40 ans.

Le vin doit aujourd’hui procurer à sa dégustation, une émotion, il n’est pas factice ni artificiel, il ne peut donc pas être facile non plus. Non pas comme tous ces jus et glouglou dont on parle tant de manière empirique. Il doit contenir une structure, une intelligence, une épaisseur et doit te donner aussi envie de le garder assez longtemps. Ce vin doit faire appel à notre connaissance, et t’amène à une distance et une sensibilité. »

« Quelques soient les chapelles, je souhaite retrouver dans un verre, le processus très libre, d’un vigneron par rapport à sa terre. »